Le président américain place la police de la capitale sous autorité fédérale, suscitant l’ire des démocrates et d’ONG de défense des libertés.
Une démonstration de force inédite

Donald Trump a annoncé lundi 11 août que son administration assumera désormais la direction de la police de Washington. En s’appuyant sur le Home Rule Act, qui autorise le président à reprendre la main en cas de “conditions urgentes”, il a décidé de déployer 800 membres de la Garde nationale dans la capitale. “C’est le jour de la libération à D.C. et nous allons récupérer notre capitale”, a-t-il lancé, dénonçant une ville “pas sûre, sale et dégoûtante”. Ce ton martial s’inscrit dans une communication où l’insécurité est brandie comme menace majeure, malgré des chiffres officiels qui montrent une baisse notable des crimes violents.

Lors de sa conférence de presse, Trump a décrit Washington comme une métropole gangrenée par les “gangs violents”, les toxicomanes et les sans-abris. Il a affirmé que son taux de criminalité dépassait celui de Bogota ou de Mexico, citant des faits divers sanglants à l’appui. Les bidonvilles urbains sont dans son viseur, tout comme les campements installés sur les pelouses de la ville. La veille, sur Truth Social, il avait déjà intimé aux personnes sans domicile fixe de quitter la capitale.

Cette décision rappelle le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles en juin, à la suite de manifestations contre les expulsions de migrants. Elle s’inscrit dans une ligne politique où l’intervention fédérale supplante l’autonomie municipale, au nom de la “loi et l’ordre”. Le président a d’ailleurs annoncé vouloir étendre ce type de mesures à Chicago et New York, deux bastions démocrates également accusés de laxisme sécuritaire.

Une ville sous tension politique

Washington, D.C., n’étant pas un État mais un district fédéral, dispose d’un statut particulier. La loi de 1973 accorde aux habitants un conseil municipal élu, mais ses décisions restent supervisées par le Congrès. En utilisant le Home Rule Act, Trump contourne la mairie démocrate dirigée par Muriel Bowser depuis 2015, et remet en cause l’autonomie locale durement acquise. Cette dimension institutionnelle confère à la mesure une portée politique qui dépasse le seul argument sécuritaire.

Les chiffres fédéraux et locaux ne corroborent pas l’alarme lancée par Trump. Selon la police métropolitaine et le FBI, le taux de crimes violents est à son plus bas niveau en six ans, et les homicides ont diminué en 2024, atteignant leur plus bas niveau en plus de trois décennies. Quant au nombre de sans-abri, le ministère du Logement en recense 5 600, ce qui place Washington au 15ᵉ rang des villes américaines les plus touchées. Ces données n’empêchent pas la Maison Blanche de mettre en avant le taux d’homicides local (27 pour 100 000 habitants), quatrième du pays.

En 2024, Kamala Harris avait recueilli plus de 92 % des suffrages à Washington. La capitale reste un symbole politique fort pour le Parti démocrate, et la décision présidentielle apparaît pour beaucoup comme un coup de force contre un adversaire idéologique. Muriel Bowser dénonce des mesures “troublantes et sans précédent”, accusant Trump d’exagérer la menace criminelle pour justifier une reprise en main fédérale.

Des réactions indignées et des contestations à venir

Pour Hakeem Jeffries, chef de la minorité démocrate à la Chambre, cette décision reflète l’aspiration de Trump à “se rêver roi” et n’a “aucun fondement en droit”. Il agite la menace d’un recours judiciaire, comme celui actuellement examiné à San Francisco concernant le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles. Les démocrates voient dans cette offensive sécuritaire une manœuvre politique pour affaiblir leurs fiefs urbains.

Des dizaines de manifestants se sont rassemblés devant la Maison Blanche, brandissant pancartes et slogans contre “la militarisation de l’ordre public”. Tanya Greene, directrice du programme américain de Human Rights Watch, estime qu’“impliquer l’armée dans le maintien de l’ordre civil est dangereux et injustifié”. Les ONG redoutent un effet d’escalade, où la présence militaire dans les rues alimente la tension plutôt qu’elle ne l’apaise.

Au-delà de la querelle sécuritaire, cette affaire pourrait devenir un test juridique majeur sur l’étendue des pouvoirs présidentiels sur la capitale fédérale. Si la mesure survit aux recours, elle établirait un précédent pour toute intervention fédérale directe dans les affaires municipales. Mais si elle est invalidée, elle marquerait un revers pour un président qui cherche à faire de la fermeté sécuritaire un pilier central de sa politique intérieure.



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