Gel des pensions, barèmes figés, minima sociaux non revalorisés : l’« année blanche » voulue par François Bayrou menace directement le pouvoir d’achat de millions de Français.

Un gel généralisé qui fragilise le pouvoir d’achat

Au cœur du budget 2026 présenté par François Bayrou, figure une mesure phare : le gel des prestations sociales, sans revalorisation automatique face à l’inflation. RSA, APL, AAH, allocations familiales, Aspa ou prime d’activité : aucune de ces aides ne sera ajustée à la hausse des prix, attendue à environ 1,4 % en 2026. Une personne seule au RSA, par exemple, perdra 108 euros sur l’année. En apparence, les montants restent identiques, mais le pouvoir d’achat diminue, car les prix continuent, eux, de grimper.

Ce sont 17 millions de retraités qui verront leurs pensions gelées. Un retraité touchant 1 000 € par mois restera à ce niveau en 2026, alors qu’il aurait dû percevoir 1 014 € en cas d’indexation. Résultat : 168 € de perte annuelle, dans un contexte où deux millions de seniors vivent déjà sous le seuil de pauvreté. À cela s’ajoute la réforme de l’abattement fiscal de 10 % remplacé par un plafond de 2 000 €, qui alourdira l’impôt de nombreux retraités imposables.

5,7 millions de fonctionnaires verront leurs traitements figés en 2026. Aucun effort budgétaire n’est prévu pour revaloriser les grilles salariales, ni de mesure catégorielle. La seule souplesse accordée concerne les avancements de carrière maintenus. En clair, un professeur débutant recruté en 2026 gagnera exactement autant que son collègue embauché l’année précédente, sans rattrapage de l’inflation. L’État employeur, lui aussi, participe ainsi à la logique d’austérité.

Une pression fiscale croissante sur les classes moyennes

En temps normal, le barème de l’impôt est réajusté chaque année pour suivre l’inflation. En 2026, ce ne sera pas le cas. Résultat : les salaires augmentant légèrement pour suivre l’inflation feront mécaniquement passer des contribuables dans des tranches supérieures, même s’ils ne s’enrichissent pas en réalité. Environ 17 millions de foyers fiscaux sont concernés, soit tous ceux déjà imposables. Ce gel est, selon l’OFCE, une hausse d’impôt déguisée.

Selon une étude de l’OFCE, 380 000 Français non imposables deviendraient imposables en 2026, à cause de ce gel du barème. Des personnes situées juste au-dessus du seuil de la première tranche seraient alors rattrapées par le fisc, sans gain réel de revenu disponible. Les classes moyennes inférieures seraient ainsi les plus pénalisées par l’effet mécanique du système fiscal non ajusté.

Pour un foyer autour du revenu médian (24 179 €), la perte nette liée à cette absence d’indexation serait de 50 à 100 €par an. Ce n’est pas anodin quand on ajoute cette perte aux effets du gel des prestations et de la hausse des prix. Le poids de l’impôt progressera sans modification des taux, uniquement par le jeu du barème inchangé. Un impôt plus lourd, sans vote de hausse, mais bien réel.

Un effet socialement régressif contesté de toutes parts

Pour Eric Heyer, économiste à l’OFCE, l’année blanche est une perte nette de pouvoir d’achat pour les plus fragiles. Les retraités modestes, les bénéficiaires de prestations sociales, les étudiants et les salariés aux revenus moyens se retrouvent en première ligne. « Ce gel revient à demander aux plus vulnérables de financer les efforts budgétaires », alerte-t-il. En somme, les perdants de l’année blanche sont ceux qui dépendent le plus des mécanismes de redistribution.

Alors que la pauvreté progresse et que les inégalités se creusent, cette politique budgétaire est perçue comme socialement injuste. Les associations caritatives, les syndicats et de nombreuses oppositions politiques y voient une politique d’austérité ciblée sur les plus précaires. À l’Assemblée nationale, les partis de gauche et le Rassemblement national ont déjà menacé de déposer une motion de censure si ces mesures sont confirmées dans la version finale du budget.

L’objectif affiché par François Bayrou est clair : économiser 7 milliards d’euros dès 2026, dans un plan global de 44 milliards d’économies. Mais à quel prix ? Cette « année blanche », inédite par son ampleur et son ciblage, risque de produire un choc social latent, en particulier si l’inflation se maintient et que les salaires stagnent. Les effets de cette mesure ne seront pas seulement budgétaires : ils seront ressentis concrètement dans les foyers, les supermarchés, et les urnes.



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