Caster Semenya, athlète hyperandrogène banni des compétitions internationales, plaide de nouveau son cas devant la justice. Elle était ce mercredi à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui lui avait donné raison une première fois en juillet 2023, avant que World Athletics n’introduise un recours. Une nouvelle décision est attendue dans quelques mois.

Bientôt le bout du tunnel pour Caster Semenya ? L’athlète sud-africaine de 33 ans, double championne olympique (2012, 2016) et triple championne du monde (2009, 2011 et 2017) du 800 m, est interdite de compétitions internationales depuis plusieurs années. La raison ? Son corps produit trop d’hormones mâles. Cette anomalie chez les femmes s’appelle l’hyperandrogénie.

Tout a commencé après les Mondiaux de 2009 à Berlin

Le malheur de Caster Semenya a débuté aux Mondiaux de 2009 à Berlin. Elle y remporta la médaille d’or aux 800 mètres. Mais son apparence physique et sa voix grave avaient nourri des spéculations. Un examen sexuel révéla alors qu’elle produisait naturellement beaucoup d’hormones mâles (androgènes), susceptibles d’accroître sa masse musculaire et d’améliorer ses performances sportives.

Caster Semenya autorisée, puis à nouveau suspendue

Suite à ce test, Caster Semenya avait été interdite de compétition pendant 11 mois. Elle avait ensuite subi de nouveaux tests médicaux dont les résultats sont restés secrets. Peu après, l’athlète a été autorisée de nouveau à courir en juillet 2010, avant une nouvelle suspension en 2018. Cette année-là, malgré ses protestations, la Fédération internationale d’athlétisme (World Athletics) a durci sa réglementation.

Caster Semenya refuse de baisser son taux de testostérone

L’organisme impose désormais aux athlètes hyperandrogènes de faire baisser leur taux de testostérone jusqu’à un certain seuil, afin de pouvoir participer aux compétitions internationales féminines. Cette baisse s’obtient par un traitement hormonal, que Caster Semenya refuse d’appliquer. La coureuse de fond juge ce règlement sexiste et discriminatoire. De nombreux spécialistes du sport et des défenseurs des droits partagent son avis.

On ne demande pas à un basketteur grand de raccourcir sa taille

Certains se demandent pourquoi on lui demanderait de réguler cet avantage physique dans la mesure où elle n’a pas triché. Ils prennent l’exemple d’un basketteur de très grande taille, qui a un avantage certain sur le panier. On ne lui imposerait jamais de s’abaisser ou de réduire sa taille pour pouvoir jouer avec les autres de taille « normale ». De même, on n’en voudra pas à un marathonien kenyan de profiter des avantages physiologiques que lui offre l’environnement de son pays.

World Athletics met en avant « l’équité des compétitions »

En dépit des griefs émis ici et là, le Tribunal arbitral du sport (basé en Suisse) a validé le règlement World Athletics en 2019, avant que le Tribunal fédéral de Lausanne le confirme en 2020. Ces instances disent prôner l’équité dans les compétitions, en tant que principe cardinal du sport. Elles estiment qu’un taux de testostérone comparable à celui des hommes confère un avantage insurmontable aux athlètes hyperandrogènes.

La CEDH donne raison à Caster Semenya

En 2020, Caster Semenya a introduit des recours contre ces deux institutions. Elle n’a pas obtenu gain de cause. Il a fallu attendre le 11 juillet 2023 pour que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) lui donne raison. Cette instance, qui veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme, a pointé une discrimination et une violation de la vie privée dans le cas Semenya.

La Grande chambre de la CEDH saisie par les autorités suisses

Cette décision a été rejetée par les autorités suisses et la Fédération internationale d’athlétisme. Celles-ci ont saisi la Grande chambre de la CEDH, sorte d’instance d’appel. Elles ont dénoncé un arrêt de première instance ne reposant que sur une courte majorité de quatre juges contre trois. Mercredi, la cour a donc réuni les 17 juges composant la Grande chambre pour examiner le dossier lors d’une audience qui a débuté à 09H15 (07H15 GMT) et duré toute la matinée.

Les audiences coûtent chères à Caster Semenya 

Les magistrats rendront leur décision définitive dans plusieurs mois. Pour Caster Semenya ce n’est pas un délai trop long, puisqu’elle a déjà « persévéré avec dignité » pendant plusieurs années. Elle se dit « confiante » quant à l’issue de cette affaire. En attendant, il lui faudra tenir bon financièrement. Les procédures judiciaires lui auraient coûté 170.000 euros, alors qu’elle ne participe plus aux compétitions. Pour lui permettre de gérer ses frais d’audience, la CEDH lui avait octroyé 60 000 € en première instance.

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