Cinq ans après la pandémie, les craintes concernant le développement des « bébés Covid » se dissipent. Masques, fermetures d’écoles : les retards dans l’apprentissage semblent moins graves que prévu, malgré des inégalités marquées entre enfants de milieux différents.
Les inquiétudes initiales : un impact sur le développement du langage

Au début de la pandémie, l’un des plus grands défis pour le développement des enfants, notamment des bébés et jeunes enfants, était le port du masque. En effet, l’apprentissage du langage repose en grande partie sur l’observation des gestes des adultes, en particulier de la bouche et des lèvres. Cela permet aux jeunes enfants de comprendre comment les sons sont formés et de s’imprégner des nuances linguistiques. La crainte majeure des spécialistes était que l’absence de ce visuel perturbe les processus d’apprentissage précoce de la parole, car les enfants ne pouvaient plus observer ce mouvement crucial pour saisir les subtilités du langage.

Pour pallier cette difficulté, des masques transparents ont été introduits à partir de l’automne 2020. Ces masques, qui ont été particulièrement importants pour les enfants en bas âge et pour ceux en situation de handicap auditif, ont permis à ces derniers de voir la bouche et les lèvres des adultes. Cette initiative a été soutenue par des figures gouvernementales, dont Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées. Ainsi, ces dispositifs ont joué un rôle clé dans l’intégration des besoins spécifiques des jeunes enfants, tout en contribuant à un développement plus fluide du langage.

Les enfants, selon les experts, sont naturellement capables de s’adapter à des environnements nouveaux ou perturbés. En l’absence de visuel complet, l’apprentissage du langage chez les plus jeunes s’est également opéré par l’écoute. Les spécialistes ont souligné que, même sans voir les lèvres des adultes, les enfants ont continué à développer leur vocabulaire et leurs compétences linguistiques par l’oralité. Le cerveau des enfants est particulièrement malléable et, malgré les obstacles posés par la pandémie, leur développement cognitif a pu se poursuivre sans retards significatifs dans la majorité des cas.

L’absence d’études chiffrées : un bilan difficile à établir

Cinq ans après la pandémie, il est difficile de dresser un bilan chiffré de l’impact sur les jeunes enfants, notamment à cause de l’absence d’études globales. Cependant, il est intéressant de noter que l’amélioration des processus de détection des troubles du développement a permis une identification plus précoce des problèmes. La mise en place de plateformes de coordination et de prise en charge a contribué à mieux repérer les enfants nécessitant un suivi spécifique, comme avec les orthophonistes, psychomotriciens ou autres spécialistes. Cela a permis de repérer des troubles, qui seraient peut-être passés inaperçus dans un autre contexte, mais sans que cela soit nécessairement lié à la crise sanitaire.

Les observations de terrain, recueillies par des experts comme Sarah Degiovani, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes, montrent qu’il n’y a pas eu de signalement massif de retard dans l’apprentissage chez les enfants nés pendant la pandémie. En fait, ces derniers ont souvent montré des signes d’adaptation rapide. Les experts insistent sur le fait que, bien que certains enfants aient été plus vulnérables, la majorité des « bébés Covid » n’ont pas montré de retard significatif dans le développement du langage ou d’autres compétences fondamentales.

Les enfants se sont révélés particulièrement résilients face aux perturbations imposées par la pandémie. Selon Guislaine David, porte-parole du syndicat SNUipp, certains enfants ont effectivement eu un comportement plus proche de leurs parents après les confinements, mais ces changements étaient temporaires. La résilience des jeunes enfants a permis à la majorité d’entre eux de surmonter les obstacles imposés par la crise, et aucun « décrochage scolaire » massif n’a été observé à grande échelle.

Les inégalités sociales : un impact plus marqué chez les plus vulnérables

L’un des effets les plus marquants de la crise sanitaire a été l’inefficacité de l’école à distance pour de nombreux enfants, notamment ceux issus de familles plus précaires. Le manque d’équipement informatique adéquat et les difficultés d’accès à internet ont créé des inégalités criantes dans la capacité des enfants à suivre les cours. Certaines familles ont dû se contenter de suivre des cours sur des appareils inadaptés, voire partager un seul téléphone portable entre plusieurs enfants, ce qui a indéniablement retardé les apprentissages.

En revanche, les enfants issus de milieux plus favorisés ont eu accès à des outils plus adaptés, tels que des ordinateurs, une connexion internet stable, et des parents souvent disponibles grâce au télétravail. Cette situation a contribué à un soutien accru pour leurs apprentissages, leur permettant de surmonter les difficultés liées à la crise sanitaire avec moins de retard.

Malgré ces inégalités, il est notable que les enfants, une fois les écoles réouvertes, ont pu rattraper rapidement leurs retards. En effet, comme le souligne Guislaine David, les élèves ont montré une capacité naturelle à combler les écarts d’apprentissage. Cela s’explique par la dynamique propre au processus éducatif : les enfants accumulent parfois un retard, mais dès qu’ils retournent en classe, ils manifestent une soif d’apprendre et rattrapent leur retard assez rapidement, ce qui a permis de réduire les impacts de la crise sanitaire sur leur développement.



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